Publié le : 7 juillet 2017Vues : 39Tags: ,
aide humanitaire

Beaucoup de personnes me contactent en privé pour me demander si elles peuvent faire confiance à telle ou telle personne ou association qui lance des appels aux dons pour de l’aide humanitaire dans le Donbass. À chaque fois je répond au cas par cas et les gens ne peuvent alors compter que sur mon propre avis, quand je connais la personne ou l’association. Ce qui n’est pas toujours le cas.

J’ai donc décidé de faire un article plus général basé sur des critères fixes issus de ma propre expérience, afin que vous puissiez tous déterminer par vous-même, sans biais extérieur (fût-ce le mien), si une personne ou une association est sérieuse dans ses appels aux dons ou non.

Le problème clef est de pouvoir faire un suivi des fonds et s’assurer que ces derniers vont bien là où c’est prévu. Pour cela internet vous permet de faire le tri.

1 – Exigez des preuves visuelles

Toute personne qui fait des appels aux dons réguliers, et qui ne fournit pas systématiquement des reportages photos ou vidéos montrant précisément ce qui est fait des dons, il vaut mieux ne pas faire de dons à cette personne. Car vous avez de bonnes chances que celui-ci ne finisse en réalité dans sa poche.

Écrire que l’on a distribué tant d’argent pour de l’aide humanitaire n’est pas une preuve suffisante. A l’heure des smartphones ne pas fournir de preuves visuelles de TOUTES les actions humanitaires menées est un bon signe que le risque d’arnaque est élevé.

Ne vous contentez pas non plus d’une preuve ou deux. Il faut que les preuves soient systématiques. La personne qui dit faire 10 actions humanitaires mais ne fournit de preuves visuelles ou des factures que pour une ou deux, cela veut certainement dire que les huit ou neuf autres sont fausses, et que le reste de l’argent vanté comme ayant été donné a en réalité finit dans les poches de la personne.

2 – Le montant dépensé doit être clairement indiqué

Ici il y a beaucoup de situations où il n’est pas possible d’avoir une facture (achats de fruits ou autres produits alimentaires sur des petits marchés, cartes de vœux, remise d’argent en liquide, etc), et pour des actions avec des achats multiples dans plusieurs magasins, ces dernières peuvent alourdir l’article de manière importante.

Personnellement je ne les mets pas systématiquement car l’insertion de nombreuses images en plus du texte et des vidéos alourdit grandement la page et rallonge parfois considérablement son temps de chargement sur notre site. Mais elles sont disponibles à la demande pour les donateurs qui voudraient les voir.

Il n’est donc pas rare que les acteurs humanitaires qui œuvrent dans le Donbass ne publient pas systématiquement des factures pour des petits projets. L’absence de factures n’est donc pas un critère fiable dans ce cas. S’il y en a c’est bien sûr un plus en terme de fiabilité.

Par contre, pour tout gros projet ou achat (c’est-à-dire à partir de 1 000 €), il faut impérativement des factures. Car dans ce cas il est impossible qu’il n’y en ait pas. Aucun matériel aussi cher n’est vendu ici sans facture.

3 – Vous devez voir précisément ce qui est fait avec les dons

Dans tous les cas, le reportage doit fournir le montant dépensé et montrer précisément ce qui a été fait de l’argent. Par exemple si l’argent a servi à acheter de la nourriture et/ou des produits de première nécessité, les photos ou vidéos doivent montrer en détail le contenu des sacs/cartons, afin que vous puissiez facilement comparer le montant annoncé et ce qui a été acheté avec.

Si la personne annonce avoir dépensé 3000 roubles (environ 44 euros) pour une boîte de thé, une bouteille de lait, du beurre et un poulet, vous pouvez légitimement vous dire qu’il y a arnaque, car ça ne vaut pas ce prix là. Pareil si la personne vous montre juste un sac sans montrer ce qu’il y a dedans. Si la personne ne montre pas le contenu, vous ne pouvez pas vérifier où va l’argent.

Le reportage doit aussi montrer la remise de l’aide aux destinataires directs ou à une autorité ou un proche qui fera la distribution par après (entre autre en cas de bombardements de la zone de distribution ou d’absence des personnes). Et pas juste la personne ou ce qui a été acheté.

4 – Le problème de la vérification du total des dons reçus

Pour des projets particuliers, ou chaque mois, si la personne vous informe du montant récolté c’est aussi un plus qui montre un souci de transparence.

Vous allez me demander : pourquoi ne pas mettre comme critère le fait de publier les relevés de banque où apparaissent les dons ? Pour plusieurs raisons.

La première c’est la protection des données privées. Les donateurs ont le droit de ne pas voir leur nom, leur prénom, etc, publiés en ligne. Cela les mettrait en danger.

De deux, il n’est pas rare qu’un virement contienne des fonds destinés à plusieurs usages, qui sont précisés par e-mail (par exemple une partie des fonds va pour l’humanitaire, l’autre pour aider la personne à continuer son travail). Il faudrait donc à chaque fois tout publier en détail.

De plus pour ceux qui ont aussi des financements participatifs type Patreon, des royalties, des fonds personnels, ou des aides financières ponctuelles pour continuer leur travail (qu’il soit journalistique ou purement humanitaire), distinguer tout cela sur le relevé de compte bancaire, et les enlever pour que les lecteurs ne les confondent pas avec des dons humanitaires, peut vite devenir assez lourd. Sans parler de ceux qui ont un compte PayPal en plus et qui groupent parfois plusieurs dons avant de virer les fonds sur leur compte en banque.

Enfin, le montant récolté en euros ne représente pas exactement ce qui va pouvoir être récupéré sur place. Quelle que soit la méthode, entre les commissions, les frais de transfert et le taux de change appliqué au moment du transfert, le montant récupéré de manière effective est inférieur à celui obtenu en multipliant le montant en euros par le taux de change.

La méthode la plus coûteuse étant bien sûre le Western Union, dont le taux de change local est au bas mot de 5 roubles inférieur au taux officiel des bureaux de change locaux (qui est lui même inférieur au taux de change officiel à la bourse), et change chaque jour. Sur 200 euros (13 790 roubles au taux d’aujourd’hui), cela fait déjà 1 000 roubles de perdus, au minimum, voire presque 2 000 roubles à certains moments (quand le taux de change local est parfois de 4 à 5 roubles inférieur au taux officiel), plus les frais d’envoi qui peuvent monter à plus de 30 euros.

Si on voulait pousser la transparence jusque là, la personne qui se charge de la mission humanitaire passerait donc son temps à tout devoir décortique, expliquer, faire des captures d’écran, justifier le montant réellement obtenu etc. Ce serait malheureusement ingérable pour ceux qui font cela à titre individuel.

Les associations peuvent gérer une telle comptabilité car elles n’ont que l’humanitaire à prendre en compte, un compte bancaire dédié à cela, et du personnel pour tout noter de manière précise. Mais pour des individuels, souvent journalistes, qui font cela en plus de leur autre travail, et qui ont tout sur un même compte en banque (leur compte personnel), cela deviendrait l’enfer.

Voilà pourquoi je n’ai pas mis les relevés de banque en critère, car une bonne partie de l’aide humanitaire dans le Donbass, est apportée par des personnes qui font cela à titre personnel et non au sein d’une association qui peut gérer un tel niveau de transparence.

J’espère en tout cas que cet article vous aidera à y voir plus clair sur les critères à prendre en compte pour évaluer la fiabilité de ceux qui font de l’aide humanitaire dans le Donbass. N’hésitez pas à m’écrire en commentaire ou par e-mail si vous avez des suggestions pour améliorer cet article.

Christelle Néant

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